Le « Green Deal » (Pacte vert), le pilier de la durabilité pour votre portefeuille KSJ janvier 2021 - Jasper Thysens

Presque tous les climatologues actifs (97%) conviennent que le réchauffement climatique du siècle dernier est très vraisemblablement dû aux activités humaines. Selon les dernières estimations, en l’absence de mesures approfondies, nous arriverions à une hausse de la température de 6° Celsius au prochain changement de siècle, avec toutes ses conséquences catastrophiques qui en découlent. Les prochaines années seront d’ailleurs décisives pour mettre un coup d’arrêt à ce changement climatique.

La durabilité

Heureusement, de plus en plus de gens accordent la priorité à la durabilité, ce qui se reflète dans leur comportement de consommateur. Songeons par exemple à la popularité croissante des voitures électriques et hybrides, au choix d’un fournisseur d’énergie renouvelable ou à la pose de panneaux solaires sur le toit. Toutefois, il serait naïf de croire que le comportement changeant des consommateurs ne tient qu’à un changement de mentalité soudain. C’est le bien-être d’une part et le progrès technologique d’autre part qui tous deux aboutissent au facteur décisif du comportement: le prix. En d’autres termes, une demande suffisamment soutenue jointe à une offre à un prix attractif permettent de faire dépendre les décisions de consommation d’un principe supérieur, tel que l’environnement. Ainsi une personne à faible revenu optera généralement pour une alternative bon marché (anti-écologique), même si la différence de prix est relativement minime. Cette attitude est compréhensible et n’est aucunement le signe d’un manque d’éthique. 

Par contre, si la différence de prix était relativement grande, même une personne avec des moyens suffisants ne serait guère encline à choisir une alternative écologique. En ce sens, une attitude éthique ne conduit à une consommation éthique que si celle-ci va de pair avec un prix gérable et compétitif. L’urgence de la question climatique ne permet malheureusement pas de laisser le marché mondial suivre la voie du laissez-faire, dans l’espoir d’une baisse automatique, suffisante et opportune des émissions de CO2. Des interventions coordonnées s’imposent donc au niveau tant national que supranational. L’accord de Paris sur le climat (2015), une convention internationale pour maintenir le réchauffement climatique inférieur à 2° Celsius par rapport au niveau pré-industriel, en est un bon exemple.

La conversion d'une « ambition » en « réussite » exige également une « action ». Heureusement, il semble y avoir suffisamment de volonté politique pour implémenter les interventions climatiques à un rythme accéléré. De fait, le temps pour intervenir est de plus en plus compté et la nature reste implacable.

Qu’est-ce au juste que ce « Green Deal » ?

Au début de l’année 2019, Ed Markey, sénateur américain, et Alexandria Ocasio-Cortez, membre du Congrès, lancèrent leur « Green New Deal » en tant que premier pas pour lutter contre le changement climatique et l’inégalité économique. Le nom renvoie au « New Deal » (Nouveau Pacte), un ensemble de programmes économiques et sociaux gouvernementaux lancés par Roosevelt, alors président des États-Unis, après la Grande Dépression des années 30. Par contraste, le « Green New Deal » (Nouveau Pacte Vert) n’était qu’une résolution d’à peine 14 pages qui couvrait une série d’objectifs, notamment la neutralité climatique (vers 2030), la lutte contre la pauvreté, les soins de santé universels, les salaires minima et la limitation des monopoles. Les ambitions étaient au rendez-vous, contrairement à l’assise nécessaire, malheureusement. Moins de deux mois plus tard, les Républicains repoussèrent la proposition au Sénat à l’unanimité. 

Le « Green New Deal » continua ensuite de hanter fortement le débat public et fut un important sujet de campagne durant les élections présidentielles américaines. La proposition fut soutenue par Bernie Sanders, Elizabeth Warren, Kamala Harris et Pete Buttigieg, tous candidats à la présidence. Un grand absent de cette liste de supporters est Joe Biden, le président élu. Son plan de 2 milliards de dollars mettait l’accent sur une infrastructure efficace du point de vue énergétique, l’énergie renouvelable et la neutralité climatique (à l’horizon de 2050). Le plan de Biden correspondait dans ses grandes lignes au cadre du « Green New Deal », mais était d’un coloris un peu plus conservateur et à long terme. Les objectifs climatiques de la prochaine administration Biden sont naturellement plus avancés que ceux que les Américains auraient eus sous Trump 2.0. N’oublions pas que durant sa présidence, Trump fit sortir les EU de l’accord de Paris, a plusieurs fois discrédité la climatologie publiquement et aurait par-dessus tout préférer relancer l’industrie charbonnière (il n’y est finalement pas parvenu). Malgré son nom, le « Green New Deal » n’est donc pas encore un véritable « pacte ». 

Par contre, la volonté politique semble conduire irrévocablement à des investissements accrus dans la durabilisation de la société.

Un Pacte vert européen

À la fin de 2019, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a présenté le « Pacte vert européen », un vaste plan d’action visant à rendre l’Union européenne climatiquement neutre à l’horizon de 2050. Avant cette date, les émissions de gaz à effet de serre devront être fortement réduites et les émissions restantes de CO2 seront entièrement compensées par des « puits de carbone » (par ex. un reboisement supplémentaire) qui réabsorberont la même quantité de CO2 de l’atmosphère. Des objectifs intermédiaires devront également être atteints. Au début du mois de décembre, les dirigeants des 27 pays de l’UE sont parvenus à conclure un accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre vers 2030 d’au moins 55% par rapport à l’année de référence 1990. La Commission prévoit une Loi européenne sur le climat pour rendre ces ambitions climatiques contraignantes. Pour cette loi, qui doit permettre de rappeler à l’ordre les États membres irrespectueux des accords et éventuellement d’imposer des sanctions, il n’existe pas d’accord à ce jour. Par ailleurs, pour empêcher que les entreprises déménagent leurs lignes de production dans des pays avec des exigences climatiques moins rigoureuses, un prix du carbone sera imposé par un mécanisme de taxation des importations de certaines marchandises de pays extérieurs à l’UE.

Pour mettre en œuvre cette transition climatique, la Commission veut mobiliser au cours de la prochaine décennie au moins 1.000 milliards d’euros, dont environ la moitié proviendra directement du budget européen et le solde sera fourni par la Banque européenne d’investissement et via InvestEU (une plateforme pour stimuler les investissements publics et privés via des garanties accordées par le budget européen). 

Le Pacte vert européen sera intégré dans le plan économique de relance faisant suite à la crise du COVID-19, appelé NextGenerationEU. Dans le budget total d’environ 1.800 milliards d’euros, soit la somme du budget pluriannuel pour la période 2021-2027 et du fonds de rétablissement pour la crise du COVID-19, l’action en matière climatique entrera à concurrence de 30%. Pour alimenter la caisse européenne, des obligations vertes européennes de 225 milliards d’euros seront émises et divers nouveaux impôts européens seront envisagés tels qu’une taxe carbone, une taxe sur le plastique, et une taxe sur les entreprises de technologie.

Quatre principaux piliers

L’UE comme les EU, pour être climatiquement neutres à l’horizon de 2050, se concentreront principalement, mais sans s’y limiter, sur les quatre grands coupables des émissions de gaz à effet de serre: l’industrie, les transports, l’énergie et l’immobilier. Le principe est de transformer la crise climatique en une opportunité de croissance économique. Par d’importants investissements dans ces secteurs, les autorités visent conjointement à réduire les émission de CO2, stimuler le développement technologique et créer des emplois. Ainsi, le bureau de conseil McKinsey suppose qu’environ 6 millions d’emplois européens disparaîtront dans le cadre des ambitions climatiques, mais qu’ils seront plus que compensés par environ 11 millions d’emplois supplémentaires dans de nouveaux secteurs.

Énergie: La production d’énergie est responsable d’un quart des émissions de gaz à effet de serre, tant dans l’Union européenne qu’aux États-Unis. Des investissements élevés seront donc opérés pour rendre le secteur de l’énergie pauvre en carbone. Afin de réduire la dépendance aux combustibles fossiles, l’argent ira à des sources d’énergie renouvelables telles que l’énergie éolienne et solaire, ainsi qu’au développement de nouvelles technologies pour le stockage d’énergie.

Industrie: Les entreprises actives dans l’industrie lourde telle que l’industrie de l’acier et la chimie sont en général très polluantes. Mais des processus de production alternatifs plus écologiques ne sont pas toujours disponibles. L’accent sera donc mis sur l’innovation. On se tournera vers de nouvelles manières de récupérer et réutiliser la chaleur résiduelle dégagée durant le processus de la production et les innovations liées au recyclage, pour rendre le secteur industriel moins dépendant de nouvelles matières à exploiter.

Immobilier: La stimulation de l’efficacité énergétique des bâtiments est également une étape importante sur la voie vers la neutralité climatique. Pas conséquent, de grands efforts seront déployés pour accélérer une rénovation des bâtiments et notamment pour améliorer leur isolation, pour les chauffer via des sources d’énergie renouvelable (panneaux solaires et pompes à chaleur par ex.) et pour faire des économie de consommation d’eau. Étant donné l’intensité du travail lié à ces innovations, un grand nombre d’emplois pourra être créé.

Transport: Les transports constituent environ un quart des émissions de CO2 et exigent donc une attention particulière. Ainsi, le Pacte vert européen requiert des fabricants automobiles une réduction de moitié de l’émission des autos qu’ils vendent à l’horizon de 2030, ce qui n’est réalisable qu’en proposant plus de voitures électriques. Par ailleurs, un transport de fret plus durable, une stimulation du trafic ferroviaire et une stricte réglementation dans le transport maritime sont prévus.

L’opportunité d’investissement

En tant qu’investisseurs, nous préférons naturellement porter nos regards vers les entreprises dont nous pouvons penser qu’elles profiteront de tous ces flux d’argent consacrés au climat. Les premiers sont les producteurs et gérants d’éoliennes, les fabricants de panneaux solaires, les producteurs d’énergie géothermique, les producteurs de voitures électriques, les développeurs de nouvelles technologies de piles et les entreprises dans le secteur de l’hydrogène.

Il existe aussi de nombreuses entreprises qui profitent indirectement du Pacte vert. Songeons par exemple aux différents fournisseurs de matériaux et pièces détachées nécessaires à la rénovation de bâtiments, tels que les producteurs de pompes à eau, les fabricants de produits sanitaires économisant l'eau, les fournisseurs d’appareillage de commutation et de systèmes de câbles et les systèmes numériques pour une gestion intelligente de la lumière et du chauffage. Quelques entreprises dans la sélection de Dierickx Leys Private Bank qui pourront peut-être profiter du Pacte vert sont par exemple Umicore, Neste en Melexis.

Mise en garde contre un optimisme aveugle

De nombreuses entreprises pourront donc tirer de l’argent des ambitions climatiques des autorités, mais nous devons cependant éviter de tomber dans un optimisme aveugle. En effet, l’investisseur avisé sait que le jeu qu’il joue n’est pas unidimensionnel. En d’autres termes: ce n’est pas parce qu’une entreprise profite d’un Pacte vert qu’elle est incontestablement un bon investissement. Certaines de ces entreprises ont peut-être une faible rentabilité, une structure de bilan risquée, sont mal gérées ou sont mal armées contre les concurrents. Le Pacte vert est d’ailleurs une entreprise de longue haleine, de sorte que nous pouvons nous attendre à ce que le proverbial « fossé » des entreprises qui profitent aujourd’hui des initiatives climatiques sera mis à rude épreuve par les entreprises traditionnellement moins « vertes » qui se repositionnent stratégiquement. De plus, des actions d’entreprises qualitatives avec de bonnes perspectives peuvent simplement être cotées trop cher. Il reste donc essentiel de rechercher un bon équilibre entre le prix et la qualité.

« Pacte vert » contre « ESG » (environnement, société et gouvernance éthique)

Les entreprises qui profitent d’un « Pacte vert » n’obtiendront pas non plus un label de durabilité sans coup férir. Autrement dit, il se peut très bien qu’une entreprise bénéficie d’importants flux d’investissement climatiques, mais qu’elle se défende moins bien en matière d’ESG. Songeons par exemple à l’entreprise Volkswagen qui, avec le déploiement systématique de ses voitures électriques (la série ID), pourra peut-être profiter du Pacte vert européen. Cette société a cependant des antécédents qui sont loin d’être irréprochables en matière d’ESG, et elle subit aujourd’hui encore les conséquences du scandale du dieselgate. Dans ce scandale, l’entreprise a manipulé l’émission de moteurs diesel avec un logiciel frauduleux durant des tests en laboratoire pour rester ainsi en-dessous de la norme environnementale. Il faut donc analyser de près si une entreprise qui est correctement positionnée dans le cade d’un Pacte vert, gère adéquatement ses propres risques en matière d’ESG.

NextEra Energy

Dans le cadre du « Pacte vert », en tant que nom collectif pour les ambitions climatiques largement soutenues et leur concrétisation, NextEra Energy a été ajoutée à la sélection d’actions de Dierickx Leys Private Bank.

NextEra Energy est une des plus grandes entreprises d’infrastructure d’électricité et d’énergie en Amérique du Nord. Les deux principales activités du groupe sont hébergées dans Florida Power & Light, première entreprise d’électricité en Floride, active depuis 1925, et dans NextEra Energy Resources, premier producteur mondial d’énergie éolienne et solaire. Par conséquent, le groupe inclut à la fois une entreprise d’électricité stablement réglementée et un acteur concurrentiel sur un marché en pleine croissance de l’énergie renouvelable. De plus, cette entreprise a des projets dans le domaine du stockage de l'énergie, qui permet de rendre la continuité du flux énergétique moins dépendante des conditions météorologiques décisives pour produire l’énergie solaire et éolienne. La direction ne considère d’ailleurs pas l’entreprise comme une entreprise d’électricité traditionnelle, mais comme une entreprise technologique qui fournit du courant. Les perspectives d’avenir de NextEra Energy semblent favorables pour les prochaines années. L’action mérite donc sûrement une place dans le portefeuille diversifié de l’investisseur désireux de contribuer aux efforts pour l’environnement dans les années à venir.

Vous pouvez lire l’étude complète à l’adresse https://www.dierickxleys.be/fr/etudes.

Pour conclure

L’attention portée à la problématique du climat semble s’être accélérée ces derniers temps. Grâce à la victoire de Biden, cette tendance sera encore renforcée. Certains estiment que les ambitions et les plans ne vont pas suffisamment loin, mais une volonté se manifeste, un consensus est présent, des décisions sont prises et du temps et des moyens sont libérés pour créer une demande capacitaire suffisante et une offre à des prix intéressants en encourageant fortement la création d’emplois et le progrès technologique. L’histoire climatique est marquée par la coopération internationale et le courage politique. Le monde s’apparente au pilotage d’un bateau lourd, mais pour éviter la collision avec l’iceberg en fonte il faut oser regarder loin et réorienter le cours à temps. C’est exactement ce que doit faire l’investisseur.

PDF - KSJ janvier 2021

Téléchargez ici le KSJ complet de janvier 2021.

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